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Communication Dans Un Congrès Année : 2017

Co-construire Modèles, Etudes Empiriques et Théories en Géographie Théorique et Quantitative : le cas des Interactions entre Réseaux et Territoires

Résumé

La construction de théories géographiques, dans le cadre d'une Géographie Théorique et Quantitative , s'effectue par itérations dans une dynamique de co-évolution avec les efforts empiriques et de modélisation [Livet et al., 2010]. Parmi les nombreux exemples, on peut citer la théorie évolutive des villes (co-construite par un spectre de travaux s'étendant par exemple des premières propositions de [Pumain, 1997] jusqu'aux résultats matures présentés dans [Pumain, 2012]), l'étude du caractère fractal des structures urbaines (par exemple de [Frankhauser, 1998] à [Frankhauser, 2008]) ou plus récemment le projet Transmondyn visant à enrichir la notion de transition des systèmes de peuplement (ouvrage à paraître). Cette communication propose un format original en s'inscrivant dans cette lignée, par la synthèse de différents travaux empiriques et de modélisation menés conjointement avec l'élaboration d'appareils théoriques visant à mieux comprendre les relations entre territoires et réseaux de transports. L'originalité de cette contribution réside à la fois dans la synthèse de travaux très divers pourtant reliés en filigrane, et dans la proposition d'une théorie géographique spécifique s'appuyant sur cette synthèse en seconde partie. Notre première entrée prend un point de vue d'épistémologie quantitative pour tenter d'expliquer le fait que, si la co-évolution entre territoires et réseaux a par exemple été prouvée par [Bretagnolle, 2009], la littérature est très pauvre en modèles de simulation endogénéisant cette co-évolution. Une exploration algorithmique de la littérature a été menée dans [Raimbault, 2015b], suggérant un cloisonnement des domaines scientifiques s'intéressant à ce su-jet. Des méthodes plus élaborées ainsi que les outils correspondants (collecte et analyse des données), couplant une analyse sémantique au réseau de citations, ont été développées pour renforcer ces conclusions préliminaires [Raimbault, 2016c], et les premiers résultats au second ordre semblent confirmer l’hypothèse d’un domaine peu défriché car à l’intersection de champs ne dialoguant pas nécessaire- ment aisément. Ces premiers résultats d’épistémologie quantitative confirment l’intérêt d’une modélisation couplant des processus relevant de différentes échelles et domaines d’études, et surtout l’intérêt de l’élaboration d’une théorie propre. A l’échelle mesoscopique, des processus d’agrégation-diffusion ont été prouvés suffisants pour reproduire un grand nombre de formes urbaines avec un faible nombre de paramètres, calibrés sur l’ensemble du spectre des valeurs réelles des indicateurs de forme urbaine pour l’Europe. Ce modèle simple a pu, à l’occasion d’un exercice méthodologique explorant le possibilité de contrôle au second ordre de la structure de données synthétiques [Raimbault, 2016b], être couplé faiblement à un modèle de génération de réseau, démontrant une grande latitude de configurations potentiellement générées. L’exploration de différentes heuristiques autonomes de génération de réseau a par ailleurs été entamée [Raimbault and Gonzalez, 2015], pour comparer par exemple des modèles de croissance de réseau routier basés sur l’optimisation locale à des modèles inspirés des réseaux biologiques : chacun présente une très grande variété de topologies générées. A l’échelle macroscopique, un modèle simple de croissance urbaine calibré dynamiquement sur les villes françaises de 1830 à 2000 (base Pumain-Ined) a permis de démontrer l’existence d’un effet réseau de par l’augmentation de pouvoir explicatif du modèle lors de l’ajout d’un effet des flux transitant par un réseau physique, tout en corrigeant le gain dû à l’ajout de paramètres par la construction d’un Critère d’Information d’Akaike empirique [Raimbault, 2016d]. Cet ensemble de modèles se positionne avec un objectif de parcimonie et dans une perspective d’application en multi-modélisation. Dans une démarche basée-agent plus descriptive et donc par un modèle plus complexe, [Le Néchet and Raimbault, 2015] décrit un modèle de co-évolution à l’échelle métropolitaine (modèle Lutecia) qui inclut en particulier des processus de gouvernance pour le développement des infrastructures de transport. Même si ce dernier modèle est toujours en exploration, les premières études de la dynamique montre l’importance du caractère multi-niveau du développement du réseau de transport pour obtenir des motifs complexes de réseaux et de collaboration entre agents. L’ensemble de ces premiers efforts de modélisation, bien qu’ils ne soient pas majoritaire- ment centrés sur des modèles de co-évolution à proprement parler, supportent les premiers fondements théoriques que nous proposons par la suite. En se basant sur les travaux précédents, nous proposons de joindre deux entrées pour la construction d’une théorie géographique ayant un focus privilégié sur les interactions entre territoires et réseaux. La première est par la notion de morphogenèse, qui a été explorée d’un point de vue interdisciplinaire dans [Antelope et al., 2016]. Pour notre part, la morphogenèse consiste en l’émergence de la forme et de la fonction, via des processus locaux autonomes dans un système qui exhibe alors une architecture auto-organisée. La présence d’une fonction et donc d’une architecture distingue les systèmes morphogénétiques de systèmes simplement auto-organisés (voir [Doursat et al., 2012]). De plus, les notions d’autonomie et de localité s’appliquent bien à des systèmes territoriaux, pour lesquels on essaye d’isoler les sous-systèmes et les échelles pertinentes. Les travaux sur la génération de forme urbaine calibrée par des processus autonomes, les premiers travaux sur la génération de réseaux par de multiples processus également autonomes, et des travaux plus anciens étudiant un modèle simple de morphogénèse urbaine qui suffisait à reproduire des mo- tifs de forme stylisés [Raimbault et al., 2014], nous suggèrent la possible existence de tels processus au sein des systèmes territoriaux. D’autre part, le cadre d’un théorie évolutive des villes est plébiscité par nos résultats empiriques, qui montrent le caractère non-stationnaire, hétérogène, multi-scalaire des systèmes urbains. Pour rester le plus général possible, et comme nos résultats à la fois empiriques et de modélisation (génération de formes quelconques par le modèle d’agrégation-diffusion par exemple) s’appliquent aux systèmes territoriaux en général, nous nous plaçons dans le cadres de territoires humains de Raffestin [Raffestin, 1988], c’est à dire “la conjonction d’un processus territorial avec un processus informationnel”, qui peut être interprété dans notre cas comme le système complexe socio-techno- environmental que constitue un territoire et les agents et artefacts qui y interagissent. L’importance des réseaux est soulignée par nos résultats sur la nécessité du réseau dans le modèle de croissance macroscopique : nous proposons alors de parler de Systèmes Territoriaux Complexes en Réseaux, en ajoutant au plongement du territoire dans la théorie évolutive la particularité qu’il existe des composantes cruciales qui sont les réseaux (de transport en l’occurrence), dont l’origine peut être expliquée par la théorie territoriale des réseaux de Dupuy [Dupuy, 1987]. Nous spéculons alors l’hypothèse suivante afin de ré- concilier nos deux approches : l’existence de processus morphogénétiques dans lesquels les réseaux ont un rôle crucial est équivalente à la présence de sous-systèmes dans les systèmes territoriaux complexes en réseaux, qu’on définit alors comme co-évolutifs. Cette proposition a de multiples im- plications, mais devrait guider notamment les travaux de modélisation vers une méthodologie modulaire et de multi-modélisation afin d’essayer d’exhiber des processus morphogénétiques, et les travaux empiriques vers une étude plus poussée des correlations, causalités (dans le cas de séries temporelles) et recherche de décompositions modulaires des systèmes. Cet exercice permet d’illustrer la co-construction d’un matériel quantitatif (études empiriques et modélisation) et d’un matériel théorique, puisqu’il est clair que les directions de recherche dans chacun des points ci-dessus ont été construites progressivement, par itérations et allers-retours entre les trois domaines : la conception de modèles de simulation complexes résulte d’un cadre théorique englobant les paradigmes de la complexité, la recherche empirique de propriétés de non- stationnarité également, tandis que les modèles hybrides sont construits et calibrés par les faits stylisés et données empiriques. Notre théorie est bien sûr bien loin d’être mature, mais son existence permet déjà de guider les analyses quantitatives suivantes (modèles fortement couplés ; tests de causalités dans les données spatio-temporelles; etc.) qui seront alors crucial pour la co-évolution de l’ensemble par la suite. L’essence de la Géographie Théorique et Quantitative réside dans cette co-production qui transcende les oppositions classiques entre quantitatif et qualitatif, et à laquelle nous prétendons que participent également les outils et les méthodes : toute perspective scientifique est une combinaison de chacune des dimensions, qui à chaque fois jouent un rôle différent dans la co-évolution. L’illustration de cette proposition de manière plus précise fera également l’objet de travaux futurs.
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Dates et versions

halshs-01525448 , version 1 (20-05-2017)

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  • HAL Id : halshs-01525448 , version 1

Citer

Juste Raimbault. Co-construire Modèles, Etudes Empiriques et Théories en Géographie Théorique et Quantitative : le cas des Interactions entre Réseaux et Territoires. Treizièmes Rencontres de ThéoQuant, May 2017, Besançon, France. ⟨halshs-01525448⟩
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