Ce travail de thèse a porté sur l’étude de littoraux sous l’influence de deux des plus grands deltas du monde, l’Amazone et le Mékong, avec un focus sur les plages et cheniers de Guyane, qui font partie du système de dispersion vaseuse de l’Amazone, et sur les liens entre la déstabilisation du littoral du delta du Mékong et les changements morpho-bathymétriques des chenaux deltaïques sous l’influence d’une emprise anthropique croissante. L’étude de la plage de Montjoly en Guyane a été conduite en combinant une approche innovante de photogrammétrie aéroportée basée sur le protocole SfM (Structure from Motion), des mesures hydrodynamiques in situ, des mesures de la bathymétrie, et la modélisation des houles et leur propagation à travers cette bathymétrie. Les résultats obtenus mettent en évidence le potentiel considérable de la technique de photogrammétrie SfM pour l’étude géomorphologique des estrans sableux à faible contraste textural, et confirment un modèle de rotation morphosédimentaire de la plage décrit précédemment sur la base d’analyse de photographies aériennes et de mesures topographiques. Les résultats apportent, par ailleurs, un éclairage nouveau sur cette dynamique de rotation en quantifiant les stocks sableux en migration lors de ce processus et en analysant finement les effets potentiels sur la houle incidente d’une barre de vase liée à un banc en migration. Le suivi du second site d’étude, un chenier en recul sur un ancien polder rizicole vaseux, mené à travers une analyse multi décennale de photos aériennes et d’images satellites et des mesures de terrain, a démontré très finement les taux (qui peuvent atteindre 160 m par an) et mécanismes de recul sur le substrat vaseux. Les observations de terrain montrent que le démantèlement de ce substrat est étroitement contrôlé par sa structure et sa rhéologie. L’analyse des changements de la bathymétrie des chenaux deltaïques du Mékong sur une décennie (données de 1998 et 2008), conduite à travers une chaine méthodologique SIG, a permis de quantifier une perte nette de 200 millions de m3 de sédiments et un accroissement de la profondeur de chenaux. La confrontation statistique des caractéristiques morphobathymétriques aux paramètres hydrauliques des chenaux montre clairement que les changements observés ne relèvent pas de processus hydrodynamiques et morphosédimentaires ‘naturels’ mais sont sans doute le résultat d’extractions massives de granulats pratiquées sur les lits de ces chenaux lors de la période de suivi. Ces prélèvements importants de sédiments, destinés à l’industrie, ont des répercussions importantes sur la stabilité des chenaux, mais surtout sur les apports de sédiments au littoral du delta qui montre des taux d’érosion importants. Les deux cas d’études mettent en lumière des dynamiques morphosédimentaires qui doivent être prises en compte dans la stabilité et la gestion des plages et cheniers sableux sous influence amazonienne et des côtes du delta du Mékong. Dans le premier cas, la dynamique de rotation et le recul des cheniers ne sont guère pris en compte dans des modes d’occupation inappropriées du littoral qui accroissent les risques de dégâts aux habitations et aux infrastructures. Dans le cas du Mékong, la poursuite des extractions massives de granulats et des interceptions de sédiments par toute une série de barrages construits ou en projet sont une menace pour la stabilité du delta, déjà considéré comme vulnérable du fait d’une subsidence accélérée liée à des pompages d’eau souterraine.