La part du diable : métal et monnaie dans les mines du Potosi, Bolivie
Abstract
Cet article part de l'évanescence attribuée aux revenus de la mine pour explorer les représentations et les pratiques monétaires des mineurs de fond de Bolivie, notamment leur défiance envers l'accumulation individuelle qui contrarie la création du lien social par la circulation monétaire et le rôle qu'ils s'attribuent dans l'assignation d'une valeur à l'argent et dans la légitimation de la monnaie. Au-delà des pouvoirs attribués à l'État, l'argent monétaire reste un fruit métallique du sous-sol. De fait, l'exercice par l'État de son rôle d'émetteur et de garant de la monnaie est à la fois subordonné au pouvoir intrinsèque de la monnaie perçue comme un minerai diabolique et à l'action des mineurs. Ce sont eux qui vont permettre à l'argent de se réaliser comme monnaie en le blanchissant de ses origines diaboliques, notamment par le travail, les rites, l'intervention des femmes et la circulation monétaire. La croyance dans le caractère illusoire des revenus de la mine révèle ainsi une configuration particulière de la manière dont les usagers accordent confiance et légitimité à la monnaie. Son pouvoir d'achat n'est ici ni inné, ni totalement dépendant de l'Autorité émettrice, État et diables du sous-sol : il est le résultat d'un véritable travail sur l'argent mené par chaque famille minière et qui prend l'allure d'un exorcisme.
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